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Crises de fois, problèmes de circulation et autres maux : Pourquoi nos voisins souffrent de maladies différentes
Imaginons la scène suivante : Madame Müller est allemande et en voyage d’affaires en France. Le lendemain d’une journée de travail fatiguante, Madame Müller s’excuse auprès de ses collègues français en ces termes : « J’ai de nouveau mes problèmes de Kreislauf aujourd’hui ». Certains collègues français fronçent les sourcils et regardent leur collègue du pays voisin d’un air surpris. L’expression « Ich habe Kreislauf » ne leur est pas familière.
Ce qui peut s’apparenter à une situation interculturelle amusante dans le cadre professionnel, pourrait se produire régulièrement lorsque des touristes ou personnes qui ont grandi dans un autre univers culturel se rendent dans un cabinet médical ou une pharmacie. En effet, certains tableaux cliniques n’existent que dans certaines cultures ou langues. Les anthropologues parlent d’un tableau lié à une culture lorsqu’un ensemble de syndromes sont regroupés de manière différente d‘une culture à l’autre. Illustré de manière concrète par deux exemples de milieux culturels francophones et germanophones, cela signfie que lorsqu’un patient français se renseigne tout naturellement pour obtenir un remède contre sa crise de foie, il se heurtera à l‘incompréhension dans le pays voisin non-francophone, comme cela avait pu être le cas pour Madame Müller lors de son voyage d’affaires.
Tant la crise de fois que les problèmes de Kreislauf sont des tableaux cliniques liés à la culture, qui peuvent comprendre un large éventail de symptômes de mal-être : maux de tête, nausée, tachychardie, sensation de vertige ou de faiblesse, maux d’estomac et bouffées de chaleurs. Chacun de ces symptômes est également connu des personnes issues d’une autre culture. Ce n’est pas toujours le cas des entités cliniques, construites à partir d’un réseau de sens propre à chaque culture et qui n’ont donc de sens que dans un contexte linguistique et culturel défini. A cet égard, il est intéressant de remarquer que dans certaines cultures, certains organes sont utilisés plus souvent que d’autres pour définir différents tableaux cliniques. Le fait que les Français se plaignent d’une « crise de foie » est également dû au fait qu’une importance plus grande est accordée à cet organe en France, tout comme dans les aires culturelles asiatiques et arabes, que dans les pays germanophones. Les « Herz-Kreislauf-Beschwerden » (maux cardio-vasculaires) dont se plaignent souvent les patient·e·s en Allemagne, Autriche ou en Suisse alémanique peuvent s’expliquer par le fait que dans les régions germanophones, le coeur est plus souvent au centre de l’attention lorsqu’il s’agit d’expliquer une maladie. Ceci est notamment imputable au taux plus élevé de maladies cardio-vasculaires dans ces pays.
Quiconque travaille dans le domaine de la santé et s’agace d’une remarque ou d’un comportement lié à une douleur de la part d‘un·e patient·e devrait donc garder à l’esprit que les traditions médicales et les manières de communiquer se rattachents à la manière de vivre une maladie ou de ressentir la douleur et sont influencés par la culture. Ici, tout comme ce que l’on connait depuis le plus jeune âge, on considère inconsciemment que cela est naturel et on le communique de manière instinctive. Ces maladies liées à un contexte culturel n‘existent en aucun cas uniquement dans des expressions utilisées dans le langage courant. En effet, même si la médecine conventionnelle moderne dispose désormais de systèmes de classification valables dans le monde entier, tels que la Classification internationale des maladies (CIM), la médecine traditionnelle relevant des sciences modernes reste toujours influencée par différents systèmes d’interprétation et ne constitue pas une structure uniforme, fermée, mais dynamique. Lors du diagnostic et du choix du traitement, les personnels de santé devraient donc prendre en compte, outre les symptomes physiologiques, les systèmes d’interprétation culturels, les pratiques ainsi que la situation sociale du patient.
Les différences culturelles peuvent être liées à :
- ce que l’on considère comme maladie,
- comment on éprouve la douleur,
- à notre comportement en cas de maladie (p.ex. besoin de repos ou besoin de contacts sociaux),
- qui l’on consulte en cas de maladie,
- quel type de traitement l‘on considère comme utile,
- comment on communique sur la maladie (verbalement, para-verbalement, non verbalement),
- ce que l’on considère comme sujet tabou se rapportant à la maladie.
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